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SOLAG - ETM, ça vous parle ? - Décembre 2021

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Qu’entend-on par ETM ?

Les éléments traces métalliques (ETM) communément appelés "métaux lourds" ou "éléments traces" sont des éléments minéraux constitutifs de la croute terrestre, donc de nos sols. Ils sont dits "lourds" car leur masse volumique est supérieure à 5 000 kg/m3.

On parle de "traces" car ils ne représentent que 0,6 % du sol et leur concentration, pour chacun des éléments, est inférieure à 0,1 %.

Les 99,4 % restants sont représentés par 12 éléments majeurs non ETM : l’oxygène (47 %), le silicium (28 %), l’aluminium (8,1 %), le fer (5 %), le calcium (3,6 %), le sodium (2,8 %), le potassium (2,5 %),  le magnésium (2 %), le titane (0,4 %), l’hydrogène (0,14 %), le phosphore (0,11 %) et le manganèse (0,1 %).

Les ETM sont représentés par 80 éléments minéraux dont certains sont dits "non-essentiels", c’est-à-dire non nécessaires à la vie microbienne, végétale et/ou animale, comme le cadmium (Cd). D’autres sont essentiels, ce sont les "oligo-éléments".

 

Notons que tous les ETM (essentiels ou non) deviennent toxiques, à des doses différentes selon les éléments.

Le suivi de leur teneurs est essentiel car les ETM ne se dégradent pas, ils s’accumulent dans le sols ! L’accumulation peut ainsi entrainer la mort d’un organsime si le seuil d’acceptabilité est dépassé.


D'où viennent-ils ?

Les métaux dans les sols sont à l’origine :

  • de sources naturelles
  • de sources anthropiques

Les sources naturelles

La présence d’ETM est d’abord issue de la désagrégation puis de l’altération de la roche mère. Il s’agit d’un phénomène naturel dépendant de la composition chimique des roches et des processus climatiques. Mais cette présence est également liée aux émissions et retombées atmosphériques telles que les activités volcanique ou les incendies.

Ainsi, on observe des disparités  géographique importante de teneur en éléments traces dans les sols. Dans le tableau ci-dessous, sont récapitulées les teneurs des différents ETM en fonction de la famille de roche. Ainsi, les teneurs en cuivre apparaissent plus importantes dans les roches argileuses d’origine sédimentaire.

Les sources anthropiques

Les activités humaines ont un impact direct sur la présence de métaux lourds dans les sols. Le schéma ci-dessous synthétise les flux ayant un impact sur les sols et la qualité de l’eau.

Le graphique ci-après montre la contribution des différentes sources de contaminations (en %) pour les principaux éléments traces. Les contaminations liées à l’activité agricole résultent essentiellement des effluents d’élevages et des engrais qui représentent plus de 50% des apports en ETM dans les sols.


Les ETM dans les Pays de la Loire

Des cartes de répartition des teneurs en ETM en  Pays de Loire ont été obtenues sur la base d’une modélisation des données du Réseau de Mesure de Qualité des Sols (RMQS) pour les horizons de surface (0-30 cm). Dans cette étude, deux méthodes d’analyses ont été employées pour déterminer : 

  • La fraction totale
  • La fraction extractible par EDTA

Le niveau de toxicité d’un sol est considéré à partir de la fraction extractible d’ETM. Les éléments non extractible EDTA sont associés à la matrice minérale (argiles micacées...) et n’interfèrent pas dans le fonctionnement biologique des sols. 

La représentation cartographique (par l’intensité des couleurs) met en évidence la variation des teneurs en ETM qui sont relatives à l’ensemble des teneurs obtenues à l’échelle nationale. La couleur rouge (teneurs les plus élevées) n’indique cependant pas le dépassement d’un seuil de toxicité mais plutôt un risque potentielle de toxicité.

Pour les Pays de Loire, les teneurs en cuivre extractible apparaissent localement élevées dans les régions viticoles du bord de Loire et au sud de la Vendée. Ces teneurs sont associées à l’historique des traitements cupriques (bouillie bordelaise) notamment dans les vignobles ou à l’héritage géochimique au Sud de la Vendée.

Pour le plomb, les teneurs extractibles les plus élevées sont mesurées en périphérie de la ville de Nantes et au sud de la Vendée. Dans le premiers cas, ces teneurs peuvent être imputables au passé industriel de l’agglomération alors que dans le second cas ces teneurs sont imputables au fond géochimique du matériau géologique.

Pour le chrome, les teneurs plus élevées (Nord Mayenne et Nord Sarthe et Loire-Atlantique) sont associées aux matériaux schisteux. Des contaminations peuvent cependant être observées localement à proximité des anciennes tanneries.

Pour le nickel, les concentrations importantes en Nord Sarthe sont liées aux sols développés sur des roches-mères marneuses ou calcaires.

Pour le cadmium, il y a peu de zone des Pays de Loire concernée, ces concentrations sont souvent associées à la nature des matériaux d’origine comme avec les sols argileux, souvent peu épais, et résultant d’une altération lente d’une épaisseur considérable de calcaire. (Source Gis Sol).


En fonction de leur concentration dans les sols, les éléments traces métalliques peuvent avoir un impact positif ou négatif sur la fertilité chimique et biologique d’un sol.

Les transferts sol-plantes

L’incorporation des ETM dans les tissus végétaux peut avoir lieu par les parties aériennes mais principalement via les racines. L’absorption racinaire des ETM se fait en même temps que les éléments fertilisants. 

Préalablement à l’absorption par les végétaux, les éléments traces doivent être présents sous une forme libre dans la solution du sol.

La quantité de ces formes libres est généralement infime et dépend de la capacité de la fraction solide du sol à fixer et accumuler  un élément trace. Ainsi, les argiles et les matières organiques qui ont une affinité élevée pour ces éléments, vont conditionner la rétention ou la libération des ETM en solution (voir schéma ci-contre). 

La disponibilité conditionne l’absorption et donc la toxicité pour un végétal. Elle dépend des conditions physico-chimiques du sol comme la concentration en ETM, la valeur du pH ou la teneur en matière organique.

Quelques exemples

Le graphique montre que la teneur en cadmium (élément non essentiel) dans les grains diminue fortement en fonction de l’acidité du sol. 

Cet exemple montre que la concentration en cadmium dans le végétal est plus faible lors d’un apport de matière organique (qui fixe et rend moins disponible l’élément). 

Ainsi, la solubilité des éléments traces va dépendre de :

  • l’acidité du sol : en règle générale un sol basique contribue à l’immobilisation de certains métaux (excepté pour quelques éléments qui deviennent mobilisable dans les sols calcaires, comme le molybdène). La maitrise du pH, la présence d’argile et de matière organique vont ainsi avoir un rôle de piégeur pour les métaux lourds.
  • l’apport de matières fertilisantes qui part l’amélioration du complexe argilo-humique va avoir tendance à retenir les ETM
  • l’origine de l’apport organique qui va influencer sur la présence plus ou moins importante de métaux lourds
  • l’aération des sols : un sol aéré favorise le complexe argilo-humique rendant le milieu plus stable.

Impact sur la vie biologique des sols

L’impact des ETM et les seuils de toxicité diffèrent en fonction des organismes du sol.

Concernant les micro-organismes, leur diversité génétique permet en général de contourner ou d’opposer des mécanismes  d’adaptation à la présence des ETM, permettant de maintenir le niveau des activités microbiennes (Grignet, 2012). Néanmoins, l’élévation des teneurs en ETM influent sur la caractéristique des communautés microbiennes : avec la disparition des souches bactériennes les plus sensibles (souvent majoritaires) qui laisse la place aux souches les plus résistantes. Il en résulte une baisse de diversité génétique et de la biomasse microbienne.

Concernant la faune du sol, l’impact des ETM est conditionné aux niveaux d’exposition de l’organisme avec le sol contaminé. Ainsi, les organismes peu en contact avec les constituants du sol sont plus faiblement impactés dès lors que les activités microbiennes de décomposition des MOS ne sont pas elles–même affectées. Ainsi, les communautés de collemboles ou de nématodes sont plus faiblement impactées que ne le sont les lombriciens qui sont en contact épidermique avec le sol et qui ingèrent de grandes quantités de sol (géophage). Au-delà de certaines teneurs en ETM, les populations de lombriciens peuvent tout simplement disparaitre comme avec une contamination au plomb (Leveque et al., 2015). Si les teneurs en ETM n’atteignent pas des seuils létaux, elles affectent les activités enzymatiques ou le taux de fertilité comme avec le cuivre ou le zinc.


A retenir

  • Les ETM sont essentiels ou non essentiels
  • Les ETM essentiels sont des oligo-éléments
  • Les ETM sont stables dans le temps, s’accumulent dans les sols et peuvent devenir toxiques pour les organismes
  • Les métaux lourds sont produits naturellement par l’altération des roches et liés aux activités humaines
  • Des cartes de flux en ETM sont disponibles sur GIS-SOL
  • La rétention des ETM dans les sols est fonction du taux d’argile, du taux de matière-organique et de la teneur en calcaire du sol.

Bon à savoir

Il existe un procédé appelé phytorestauration (ou phytoremédiation) qui utilise les plantes (souvent aquatique) comme agent de dépollution de l’eau, de l’air ou du sol. Une récente étude à également montrer le fabuleux pouvoir de certaines plantes à extraire le métal contenu dans les sols à des fins d’exploitations : "l’agriculture minière est née…". Issue du magazine Epsiloon d’octobre 2021.

Le Laboratoire d’analyse de Chambres d’agriculture Pays de la Loire (LARCA) est en mesure de réaliser une analyse spécifique des ETM dans les sols.


La réglementation dans les sols

Il n’existe pas de réglementation spécifique lié aux ETM dans les sols.

Les seules normes qui existent aujourd’hui sont celles de l’arrêté du 8 janvier 1998 sur l’épandage des boues de station d’épuration urbaine qui fixe les valeurs limites suivantes :

La réglementation dans les boues

Les boues issues des stations d’épurations collectives ou non collectives doivent régulièrement être analysées afin de justifier de leur innocuité. 

La réglementation dans les composts

Il existe actuellement deux normes AFNOR NFU 44-051 (composts végétales) et 44-095 (composts de boues urbaines ou industrielles) permettant de classer un déchet en statu de produit. Ses normes imposent également de respecter des teneurs maximum en ETM.

Dans l’alimentation

Dans l’alimentation animale, l’arsenic, le cadmium et le plomb sont réglementés par la Directive CE 32/2002 du Parlement européen.