Augmenter l'efficience de l'eau par la couverture du sol
Dernière mise à jour le 20 décembre 2024
Le changement climatique entraîne des modifications importantes pour l’agriculture : augmentation des températures, décalage des stades physiologiques, changement du régime de précipitations, etc…
Le 5 décembre 2022
Principe de la technique
Contexte climatique
Le changement climatique entraîne des modifications importantes pour l’agriculture : augmentation des températures, décalage des stades physiologiques, changement du régime de précipitations, etc… En Pays de la Loire, les projections climatiques annoncent une diminution du bilan hydrique (précipitations - évapotranspiration) pendant l’été de l’ordre d’une dizaine de mm à court terme (2020-2050) et de presque 50 mm à plus long terme (2070-2099). Une augmentation des périodes de sécheresse est également attendue.
En plus des mesures pour atténuer le changement climatique, il devient urgent de trouver des solutions pour s’adapter à cette nouvelle situation. Pour cela, il n’existe pas de solution unique, mais une multitude de leviers à adapter à sa situation. Nous pouvons citer : le choix des cultures et des variétés, l’amélioration de la qualité du sol ou encore l’optimisation de l’irrigation. Un autre levier important concerne les pratiques visant à maximiser la couverture du sol par l’intermédiaire des couverts végétaux pour augmenter l’efficience de l’eau.
Qu’est-ce que l’efficience de l’eau ?
L’efficience de l’eau est le rapport entre le rendement et l’évapotranspiration de la culture. Autrement dit, pour augmenter l’efficience de l’eau, il s’agit de maintenir ou augmenter le rendement sans augmenter la quantité d’eau utilisée voire en la diminuant. Comme l’illustre le graphique ci-contre, il s’agit de tendre vers une droite plus verticale.
Références techniques
Plusieurs pratiques liées à la couverture du sol peuvent affecter les processus cités précédemment et directement impacter l’efficience d’utilisation de l’eau.
Effets d’un mulch
Nous considérons ici le mulch comme étant des résidus de culture ou un couvert végétal une fois détruit.
Une méta-analyse6 (étude qui regroupe les résultats de plusieurs études déjà parues) réalisée sur des mesures en climats tempérés et tropicaux démontre que la couverture du sol par un mulch (couvert détruit ou résidus) permet de réduire de façon continue l’évaporation de l’eau en culture jusqu’à atteindre un plateau. Selon cette étude (graphe A), le maximum est atteint à partir de 8 T MS/ha de mulch avec une évaporation diminuée de 30 % par rapport à un sol nu. Avec un mulch de 3T MS/ha, cette diminution serait de l’ordre de 15 %.
Autre effet positif du mulch : l’augmentation de l’infiltration de l’eau (graphe B) et la diminution du ruissellement (graphe C). En effet, à partir de 2 T MS/ha de résidus on observe une infiltration deux fois supérieure à un sol nu et une diminution du ruissellement de l’ordre de 60 %.
Notons qu’on observe des tendances similaires pour ces trois paramètres (évaporation, infiltration et ruissellement) lorsque l’on s’intéresse au pourcentage de couverture plutôt qu’à la quantité de mulch.
Ainsi, l’effet cumulé de la baisse d’évaporation et de l’augmentation de l’infiltration, dû au mulch, permet au sol de garder davantage d’eau. Il en résulte une augmentation de l’efficience d’utilisation de l’eau de l’ordre de 20 % en moyenne pour la culture7.
Effets des couverts
Globalement, l’effet d’un couvert végétal sur l’efficience d’utilisation de l’eau pour la culture suivante résulte de l’équilibre entre les bénéfices inhérents à l’effet mulch précédemment cité (diminution de l’évaporation, augmentation de l’infiltration et réduction du ruissellement) et les prélèvements d’eau par le couvert8. La figure ci-dessous illustre cet équilibre et les principaux facteurs qui l’influencent.
Des essais conduits par AgroTransfert9-10 sur plusieurs années (2017-2020) et trois sites ont évalué l’effet de la date de destruction du couvert (précoce : fin novembre/début décembre ou tardive : fin mars /début avril) et de la composition du couvert sur la teneur en eau du sol au moment du semis de la culture (un maïs).
Les résultats, visibles ci-dessous, ne montrent pas d’effet négatif de la date de destruction ou du type de couverts sur le niveau de remplissage de la réserve en eau.
Dans certaines situations, en lien avec une plus forte réduction de l’évaporation permise par le couvert, on observe même un meilleur remplissage de la réserve utile lorsque le couvert est détruit tardivement.
Arvalis11 a également mis en place un essai de 2017 à 2019 sur la station expérimentale du Magneraud avec pour objectif d’évaluer l’effet du couvert et du mode de destruction sur la quantité d’eau disponible pour le maïs suivant. Quatre modalités ont été testées : sol nu ; mulch de paille épaisse, couvert détruit et roulé au semis du maïs ; couvert broyé 3 semaines avant le semis ; le semis du maïs étant réalisé en semis direct, dans les résidus, avec un semoir adapté.
Sur les 3 années d’essais, les différentes modalités ont eu des impacts variables et plus ou moins marqués sur le rendement du maïs rendant difficile la discrimination entre modalités. Notons que les mulchs (paille et couverts) ont induit un décalage du cycle du maïs et augmenté l’humidité du grain à la récolte.
Concernant la teneur en eau du sol, ces essais donnent un avantage aux mulchs de paille. Ces derniers garderaient le sol plus humide en surface que les mulchs de couverts (consommateurs d’eau), eux-mêmes plus protecteurs qu’un sol nu. A noter que la modalité avec le couvert détruit au moment du semis montre un assèchement du sol plus élevé à 30 cm de profondeur qui se lisse avec le temps.
Quels que soient les essais, rappelons que le contexte pédoclimatique a un impact majeur sur les résultats. Retenons, comme indiqué en introduction, que tout est question d’équilibre entre l’eau prélevée par le couvert et les bénéfices qu’il procure par ailleurs (baisse de l’évaporation, meilleure infiltration, structuration du sol..). Dans ces conditions, il convient d’adapter l’itinéraire technique du couvert (composition, mode de destruction, date de destruction, etc.) à chaque situation.
Notons qu’afin d’améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau de la culture suivante, une synthèse8 préconise d’utiliser un mélange avec une légumineuse (diminution du rapport C/N, stimulation de la vie du sol..), une céréale (pour le mulch offert par les résidus) et une racine pivot (crucifères..) pour la structuration du sol.
Effets du relay cropping et des couverts précoces
Dans notre cas, nous considérons le relay-cropping et les couverts précoces comme le fait de semer une culture ou un couvert végétal en même temps que le semis d’une culture ou avant la récolte de cette dernière. Il existe peu d’études qui ont étudié ces pratiques et leurs effets sur l’eau.
Une expérimentation menée par l’ISARA, INRAE et AgroParisTech dans le Sud-est de la France12, a étudié l’association de trèfles et de luzernes semés sortie d’hiver dans une céréale d’hiver. L’étude montre une légère diminution de l’humidité du sol (de l’ordre de 10 %) au moment de la récolte de la céréale ainsi qu’une baisse de la teneur en protéines de 5 à 10 % dans certains cas. Aucune perte significative de rendement n’a toutefois été enregistrée, sans doute du fait que les racines du blé tendre d’hiver, déjà bien établies, ne sont pas entrées en concurrence avec celles du couvert.
Une autre expérimentation13 menée en France à Grignon par INRAE et AgroParisTech sur de la fétuque associée à du blé tendre d’hiver au moment du semis a montré une perte de rendement, mais pas de la teneur en eau du sol par rapport à du blé seul. Cette baisse de rendement peut être attribuée à des processus de compétitions pour l’eau, les nutriments et la lumière.
Ces essais montrent qu’il est nécessaire de réfléchir l’association de la culture et du couvert ou du relay cropping de façon à ce qu’il n’y ait pas de compétition, mais plutôt des processus de facilitation, c’est à dire des complémentarités de niche (par exemple, associer des espèces avec des racines profondes et des espèces avec des racines en surface) ou des complémentarités temporelles (associer des espèces dont les périodes de forts besoins en eau sont décalées) afin de maximiser l’utilisation de l’eau et produire plus de biomasse qu’une culture seule avec la même quantité d’eau.
Expérimentations
Le projet BAG’AGES
Le projet BAG’AGES s'intéresse aux effets sur l’eau (flux et qualité) de la combinaison de différents leviers, notamment ceux employés en Agriculture de Conservation des Sols (ACS) : suppression du travail du sol, rotations longues et diversifiées, couverts végétaux14.
Coordonné par INRAE ce projet a dévoilé ses résultats en 2021. Après 5 ans de suivis de 17 parcelles en ACS sur le bassin Adour-Garonnes, l’étude montre que la couverture maximale et diversifiée des sols couplée à l’arrêt du travail du sol permet, dans certains systèmes, d’accroitre les capacités de rétention (réservoir utilisable) de l’ordre de 10 à 15 %, comparativement à des sols régulièrement labourés.
Les capacités d’infiltration de l’eau dans le sol sont par ailleurs augmentées et plus stables dans le temps.
Dans ces systèmes, la plus longue présence de plantes vivantes sur le sol a conduit à une augmentation de la transpiration et une baisse du drainage de 15 à 60 mm/an, selon la biomasse des couverts présents et leur date de destruction. Pour autant, 3 années sur 4, ces phénomènes n’ont pas eu d’incidence sur la culture suivante, les pluies printanières ayant rechargé la réserve utile des sols.
Par la combinaison de trois effets : meilleure rétention, meilleure infiltration de l’eau et exploration racinaire équivalente ou supérieure, ces résultats suggèrent une meilleure efficience d’utilisation de l’eau en ACS.
Et plus largement, ils mettent en évidence l’intérêt que présente la mise en œuvre simultanée de différents leviers dans l’adaptation au changement climatique.
La figure ci-dessous illustre les flux hydriques et effets des couverts et non travail du sol évalués dans le projet Bag’ages.
Le projet ClimatVeg
CLIMATVEG est l'association des 2 mots : CLIMAT et VEGETAL. C'est un projet de recherche appliquée financé par les Régions Pays de la Loire et Bretagne. Piloté par Vegepolys Valley, le projet a débuté en février 2021 pour une durée de 4 ans. Son ambition est de comprendre et agir en fonction du changement climatique pour favoriser la résilience, la multiperformance et la durabilité des filières végétales de l'Ouest. Pour cela, l'objectif est d'impliquer la recherche et les agriculteurs pour co-construire des systèmes innovants et acquérir de nouvelles connaissances. Plus précisément, les questions de recherches et d'expérimentations traitées concernent : (i) les climats futurs et la résilience des exploitations ; (ii) le choix du matériel végétal ; (iii) la couverture du sol comme levier d'adaptation ; (iv) l'utilisation de la ressource en eau à l'échelle parcellaire, de l'exploitation et du territoire.
Le sous-projet (SP) 3 part de l’hypothèse que, comme nous venons de le voir, les pistes des couverts et du mulch semblent prometteuses pour améliorer l’efficience de l’eau. En effet, les pratiques visant à maintenir une couverture continue du sol sont les plus souvent citées, avec les apports organiques, pour avoir un effet positif sur le fonctionnement hydrique du sol. Cependant, nous avons également vu que les effets sont très "contexte-dépendants". Certaines pratiques sont peu étudiées et nous manquons de références à ce sujet en Pays de la Loire. C’est pourquoi le projet ClimatVeg travaille notamment à fournir ces références. Pour cela, plusieurs dispositifs ont été mis en place :
Un suivi d’environ 200 parcelles d’agriculteurs sur 3 ans portant sur 7 pratiques autour des dates de semis des couverts, des couverts permanents, du relay cropping et du maïs à écartement large (150 cm) et réduit (37.5 cm). L’itinéraire technique, les données pédoclimatiques et les résultats agronomiques (comme le rendement ou le salissement) sont enregistrés pour chaque parcelle. Une analyse annuelle et pluriannuelle sera réalisée.
Des expérimentations sont mises en place dans les fermes expérimentales de Thorigné d’Anjou (couverts implantés dans une céréale), des Trinottières (couverts entre deux maïs) et des Etablières (écartement maïs et couverts inter-rang). Ces expérimentations permettent un suivi plus précis avec l’utilisation de sondes capacitives pour connaître l’évolution de la teneur en eau du sol en fonction des couverts en place.
Enfin, un atelier de co-conception à l’échelle du système de culture de la ferme expérimentale des Etablières a été réalisé. L’objectif est de concevoir un système qui maximise la couverture du sol en association avec certaines pratiques citées précédemment.
Références
Rédigé par : Loïck BERTHIAUD, apprenti, chargé de mission Marie-Line FAURE, conseillère en agronomie, sol et agriculture de conservation
Références :
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Leite, J. T. et al. Water Use Efficiency in Popcorn (Zea mays L. var. everta): Which Physiological Traits Would Be Useful for Breeding? Plants Basel Switz. 10, 1450 (2021).
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Amossé, C., Jeuffroy, M.-H. & David, C. Relay intercropping of legume cover crops in organic winter wheat: Effects on performance and resource availability. Field Crops Res. 145, 78–87 (2013).
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