Dernière mise à jour le 20 décembre 2024
Avec la mise en place de l’agriculture de conservation des sols (ACS), l’acidification de surface des sols (et par voie de conséquence un blocage de certains nutriments) est souvent associée à la réduction du travail du sol. Cette acidification serait moindre avec une gestion classique des sols par le labour car diluée dans l’horizon concerné.
L’acidification d’un sol indique une évolution croissante de la concentration en protons (H+ ou plus exactement H3O+). Dès lors que cette concentration s’élève, la valeur du pH baisse.
De nombreuses études, menées notamment par le COMIFER, ont montré qu’il existait un gradient d’acidité dans le sol : le pH en surface est toujours plus faible que le pH mesuré à 10 cm qui est lui-même plus faible que le pH mesuré à 20 cm. Ce gradient est plus ou moins prononcé en fonction de la nature de sol (ex : sable, limons, argiles) et selon les pratiques de travail du sol.
L’acidification traduit une dégradation de « l’ambiance du sol » car la moindre disponibilité des nutriments essentiels aux cultures et aux activités biologiques des sols.
Un sol acide présente plusieurs indices visuels et biologiques permettant de le reconnaitre :
L’analyse de sol va permettre de connaître les équilibres chimiques, le pH et l’état biologique de son sol. En absence travail du sol profond tel que le labour, il est conseillé de prélever l’échantillon sur un sol ressuyé et sur une profondeur correspondant à celle du travail du sol (entre 5 et 15 cm).
L’acidification des sols est un phénomène naturel engendré par la pluie et les processus biologiques (respiration, oxydation de l'azote et soufre…). Tous les sols s’acidifient au cours du temps, même ceux issus de substrats géologiques calcaires (alcalin). Pour les terres cultivées, ce phénomène d’acidification est amplifié par l’exploitation des ressources du sol.
Cette acidification est le résultat de la conjugaison d’un certain nombre de mécanismes présents en surface dont les plus importants en terres cultivées sont :
Source : https://www.aladin.farm/article/lacidite-de-surface-pourquoi-faut-il-la-combattre-meac-fournisseur
L’apport d’engrais azotés, qu’ils soient d’origine organique ou minérale : la transformation de l’azote ammoniacal en azote nitrique (nitrification) conduit à la libération de protons H+ dans le milieu et donc à une acidification du milieu.
Dans les systèmes cultivés, la modification du cycle de l’azote est générée par les apports substantiels d’engrais azotés de synthèse qui sont conjugués à une mauvaise valorisation par les cultures en place. Bien qu’ils soient alcalins, les engrais de synthèse (urée/ solutions azotées …) apportés en surface des sols sont soumis à une volatilisation sous forme ammoniacale. Il en est de même avec les engrais de ferme organiques ayant un fort pouvoir de volatilisation (types lisiers ou digestats). D’autre part, lorsque l’apport d’engrais est supérieur aux besoins des cultures, les nitrates peuvent être lixiviés par drainage, accentuant l’acidification des sols.
Concernant l’absorption des nutriments par les cultures, le phénomène d’acidification des sols est amplifié par la non-restitution des cultures : les cultures devant intensifier l’acidité au niveau de leurs racines pour absorber les éléments du sol.
Ces phénomènes d’acidification sont aussi accentués par le climat et la nature des substrats géologiques.
Il n’y a pas de réponse consensuelle sur le sujet dans la littérature scientifique, cet effet serait plus ou moins prononcé selon le type de sol et le climat. Il apparait cependant que dès lors que l’on réduit drastiquement le travail du sol, il se crée un gradient vertical des matières organiques, du phosphore … Ce gradient s’accentue en même temps que la concentration en protons (H+) et donc une diminution de pH (Franzluebbers et Hons, 1996 ; Limousin et Tessier ; 2007). Cet effet s’explique par la conjugaison des mécanismes qui ont été mentionnés plus haut et qui se concentrent sur les tout premiers centimètres de sol.
L’intensité de ce phénomène serait élevée les premières années de la réduction de travail du sol : période transitoire pour que les activités biologiques des sols évoluent et s’équilibrent. En effet, l’activité de la faune du sol s’intensifie et assure un brassage vertical des constituants du sol.
De nombreuses études mettent en évidence que ce phénomène d’acidification de surface est prononcé sur les sols à faible pouvoir tampon (texture sableuse et sablo-limoneuse). En effet, les activités biologiques de dégradation des MO sont plus limitées et favorisent la libération d’acides organiques en surface.
Il est impératif de contrôler régulièrement son sol par analyses et d’ajuster les apports en carbonates. En ACS et en absence du brassage des sols, et en lien avec la faible solubilité des produits chaulant (migration de quelques centimètres par an seulement), l’acidification se propage plus profondément et est difficilement corrigeable par des apports (Fuentes et al 2006). Par ailleurs, des apports massifs de carbonate augmentent trop fortement le pH en surface (sans redresser le pH des couches profondes) et diminue la disponibilité des oligo-éléments tels que le Cu, Mn, et Zn (Tahervand and Jalali, 2017).
Certaines études montrent que l’acidification de la strate comprise entre 5 et 15 cm est la plus problématique (non modifiable sans travail mécanique). Des études ont montré que les apports de chaux en subsurface seraient une solution mais cette pratique est difficilement applicable au champ. En définitif, il est fortement recommandé de remonter le pH à l’optimum avant d’arrêter strictement le travail du sol.
En ACS, la gestion adaptée de la fertilisation impliquant le choix des engrais et leur mode d’application est un des leviers pour limiter l’acidification de surface.
Les apports en ACS doivent être réalisés dans les meilleures conditions (notamment pour les cultures de printemps). Il est conseillé :
Il est nécessaire d’avoir une bonne activité biologique des sols avant d’arrêter le labour ou de mener une réduction drastique de la profondeur de travail du sol.
La transition vers l’ACS répond aux enjeux de l’acidification des sols via la mise en place des 3 piliers (couverture maximale des sols, arrêt du travail du sol et diversification des cultures) pour favoriser l’activité biologique du sol avec :
La restitution des couverts au sol et la minéralisation des MO qui neutralisent les facteurs d’acidification du sol.
Lors du passage en Agriculture de Conservation des Sols, il y a des points de vigilance à respecter pour limiter les phénomènes d’acidification. Tout d’abord, il faut prendre en compte la nature du sol. Les sols à texture légère (sableux, sablo-limoneux) sont davantage vulnérables.
Avant l’arrêt du travail du sol, il est important de s’assurer du bon :
Après l’abandon du labour, les bonnes pratiques de fertilisation doivent être mises en œuvre avec l’enfouissement des engrais, des apports avant une pluie ou sur une végétation développée. Par ailleurs, il est important de suivre l’évolution de la fertilité de ses sols sur les paramètres physiques, chimiques et biologiques.