Impacts de l’Agriculture de conservation des sols sur le fonctionnement hydrique des sols
Sol
Dernière mise à jour le 02 avril 2025
L’Agriculture de conservation des sols met en œuvre différents leviers ayant pour but la préservation de la qualité des sols. En ACS, l’ensemble des pratiques a un impact sur les 3 piliers de la fertilité des sols (chimique, physique et biologique) et par voie de conséquence, elles influencent le fonctionnement hydrique des sols.
Le 31 mars 2025
En quoi l’Agriculture de conservation des sols peut avoir un impact sur le cycle de l’eau ?
Le sol est un compartiment complexe, lieu de nombreux échanges, et dont les caractéristiques jouent un rôle à différents niveaux et pour différentes fonctions dans le cycle de l’eau que ce soit sur l’infiltration de surface et donc le stockage de l’eau dans le sol pour la plante (eau capillaire) ou pour l’alimentation des nappes profondes (eau gravitaire), sur l’évaporation et/ou transpiration (cycle local de l’eau) mais aussi sur le ruissellement de l’eau à sa surface. Gérer la ressource en eau du sol : c’est agir sur ces fonctions en les améliorant (infiltration) ou en les limitant (ruissellement). Le sol d’une parcelle possède des caractéristiques intrinsèques en termes de texture, épaisseur, développement de profil, charge en cailloux et niveau de pente sur lesquelles il est difficile d’agir et qui conditionnent en partie ces fonctions. Mais il existe aussi un certain nombre de pratiques agricoles qui peuvent permettre d’améliorer la gestion de cette ressource eau à l’échelle parcellaire.
Maintenir ou augmenter la vie du sol pour favoriser le stockage de l’eau dans le sol
Belle structure biologique sous une dérobée de méteil seigle-trèfle-vesce.
La quantité d’eau qu’un sol va pouvoir contenir, va dépendre principalement de sa profondeur, sa texture (argile, limon ou sable), sa structure (assemblage des agrégats, caractéristiques de la porosité), sa teneur en matière organique et la profondeur maximale de prospection des racines.
Dans un sol, en dehors de l’effet de la texture sous l’influence du climat (alternance gel/dégel, humectation/dessication), la structure peut avoir deux origines :
Une origine mécanique, réalisée par des outils qui vont créer une porosité grossière et fragile dans le temps mais aussi des tassements (passage de roues, piétinement).
Une origine biologique, créée par les organismes présents dans le sol, cette structure sera composée de pores plus petits, mais plus solides et interconnectés, plus favorables au stockage de l’eau dans le sol.
La difficulté est que ces deux origines de porosité (biologiques et mécaniques) ont du mal à coexister. Le travail du sol, s’il peut recréer une structure rapidement et parfois venir réparer des structures dégradées (tassement superficiel par exemple), sera également très perturbateur voire destructeur pour les organismes vivants du sol et leur habitat. La porosité biologique quant à elle peut mettre du temps à se créer et sera également conditionnée par la disponibilité des ressources alimentaires nécessaire au maintien et au développement de l’activité des organismes vivants du sol (carbone labile notamment).
L’Agriculture de conservation des sols met en œuvre des pratiques agricoles favorisant à la fois les habitats (non-travail du sol) et la ressource alimentaire pour la vie du sol (retour au sol de matières organiques) qui seront in fine favorables à une meilleure rétention d’eau du sol.
Utiliser l’ensemble du réservoir par une meilleure prospection racinaire
Profils racinaires d’un maïs sur des parcelles avec historique de pratiques différents.
L’enjeu d’une « bonne structure de sol » est de favoriser le potentiel de rétention en eau dans le sol et également la prospection racinaire : l’un ne peut aller sans l’autre. Effectivement, un sol peut stocker de l’eau mais il est important que les racines puissent y avoir accès.
La capacité de prospection racinaire d’un sol va dépendre de l’espèce végétale, du stade de développement mais également de la combinaison des pratiques mises en œuvre pour l’implantation. La photo ci-contre montre deux systèmes racinaires de maïs au même stade (même date, même technique de semis, même précédent) et sur une même parcelle : on observe pourtant des profils racinaires bien différents. Ces résultats s’expliquent par un historique différent en termes de pratiques (parcelle coupée en deux en anté-précédent, le profil de gauche ayant un historique de prairie dans la rotation (sol non perturbé sur un temps long).
Profil racinaire sous féverole en ACS avec racines qui descendent à plus de 60 cm de profondeur sans discontinuité.
En ACS, l’objectif est de construire une organisation de la porosité du sol la plus verticalisée possible pour aider les racines à descendre et optimiser leur prospection sur l’ensemble du profil. Pour cela, il est nécessaire de respecter certaines conditions d’interventions :
Intervenir en conditions de sol ressuyé (ni trop sec, ni trop humide) pour ne pas créer de zones de tassement ou simplement de zones hétérogènes et horizontales défavorables.
Possibilité de restructurer mécaniquement des zones de tassement sévère si la zone est superficielle (< 20 cm) et avec un outil peu perturbant de type fissurateur (dents droites suffisamment écartées) mais pas de passage systématique.
Limiter le trafic sur la parcelle.
L’ensemble de ces préconisations conduit à réduire le nombre d’interventions et à argumenter chaque passage sur une parcelle. Cette verticalisation sera possible uniquement si en parallèle, de bonnes conditions de développement d’une activité biologique sont mises en œuvre (ressource alimentaire suffisante notamment) permettant la construction "d’une bonne porosité" d’origine biologique.
Couvrir le sol pour cultiver l'eau
Une fois l’eau stockée dans un sol qui est bien structuré et verticalisé, il faut conserver cette eau dans le sol notamment en période sèche et réalimenter régulièrement ce stock.
Il sera possible de cultiver cette réserve en eau en couvrant au maximum les sols par des couverts vivants ou des mulchs. L’intérêt des couverts végétaux sur la diminution du ruissellement n’est plus à démontrer. De plus, la présence d’une couverture végétale permet de retenir l’eau sur la parcelle (même si la plante transpire, le plus souvent, le bilan est positif) et elle permet d’améliorer son infiltration dans le sol : les plantes maintenant la fonctionnalité de l’espace poral. De la même manière, un sol couvert sera moins impacté par les montées en température lors de période de canicule (cf. SOLAG sur Augmenter l’efficience de l’eau par la couverture du sol). S’ajoute à cela, une nouvelle notion différente du stockage, la notion de "cycle local ou petit cycle" de l’eau (cf. SOLAG sur Le petit cycle de l’eau). Cette notion développée par des hydrologues explique qu’au-delà du grand cycle de l’eau provenant de l’évaporation des océans et qui doit se voir à une échelle plutôt planétaire, il existe une échelle locale du cycle de l’eau basée sur l’évapotranspiration qui engendrent des pluies locales. Autrement dit couvrir les sols c’est cultiver l’eau localement.
Pour préserver à long terme la ressource locale en eau, il est donc indispensable de commencer par préserver les sols à l’échelle parcellaire. Et pour cela, il faut mettre en œuvre des itinéraires culturaux avec des pratiques agricoles alliant la réduction voire suppression du travail du sol et la couverture maximale dans le but de conserver et développer une activité biologique intense dans les sols : autrement dit l’ensemble des leviers mis en œuvre en Agriculture de conservation des sols.
Les résultats expérimentaux issus du programme BAG'AGES
Il est "consensuel" que l’ACS met en œuvre un ensemble de leviers qui contribuent à la préservation de la ressource eau mais les références bibliographiques chiffrées pour dimensionner ces effets sont encore peu nombreuses.
L’ACS mettant en œuvre une démarche systémique, il n’est pas toujours évident de comparer ces effets toutes choses égales par ailleurs. Toutefois, à cet effet, le projet Bag’Ages situé sur le Bassin Adour-Garonne financé par l’Agence de l’eau et coordonné par l’INRAe de Toulouse s’est attelé à instrumenter un certain nombre de parcelles aux pratiques culturales et en conditions pédo-climatiques différentes afin de débuter l’acquisition de références chiffrées sur l’ACS et les impacts sur l’eau.
Un effet type sol qui domine
Plusieurs parcelles menées en ACS (AC) depuis 9 à 28 ans et en agriculture conventionnel (CONV) ont été suivies sur différents types de sol (4 sites identifiés sur le graphique ci-dessous). Des mesures de réserve utile (à partir de mesures de rétention en eau) ont été effectuées sur chaque parcelle.
Le graphique ci-contre (Source : Lionel Alletto, projet Bag’Ages, 2023) montre d’abord un effet dominant du type de sol sur le réservoir utile des sols (RU) ce qui n’est pas étonnant et déjà bien identifié.
On remarque ensuite une augmentation de la taille du RU de 5 à 10 % sur le profil (10 à 15 % en surface (0-10 cm) en ACS. L’effet des pratiques AC sur le RU en profondeur varie selon des types de sols.
Cela interroge : quelles sont les propriétés spécifiques des sols en ACS qui pourraient expliquer ce type de résultats ?
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont débuté une étude à partir des références et bases de données existantes. Cette étude révèle pour l’instant une nécessité de développer les référentiels pour explorer cette question c’est-à-dire acquérir plus de données (mesures des propriétés physiques) sur des parcelles en ACS pour aller plus loin sur la compréhension des facteurs explicatifs et si nécessaire revoir la manière de calculer la RU en ACS.
Une meilleure infiltration de l'eau en ACS
Dans ce même projet, des mesures de conductivité hydraulique (capacité d’infiltration) ont été réalisées sur ces parcelles.
Le graphique (Alletto et al., 2022) ci-contre montre les résultats dans le temps de cette mesure sur un des sites.
Sur l’ensemble des parcelles suivies les résultats vont dans le même sens :
Une meilleure infiltration de l’eau en ACS : conductivité en moyenne 2 fois plus élevée qu’en conventionnel.
Un écart d’autant plus marqué à l’automne : risque d’engorgement possiblement réduit par rapport au système conventionnel.
Pour conclure sur ces premiers résultats, il semble que les changements dans le fonctionnement de l'eau du sol en système ACS soient plus liés à l'amélioration du fonctionnement du RU (infiltration plus importante et plus stable dans le temps) et l'utilisation par les cultures (exploration accrue des racines) qu'à une augmentation de la RU elle-même (Alletto, Cueff, 2023).
D’autres travaux (Wardak et al.,2022) appuient, dans le même sens, en montrant que malgré des valeurs de densité apparente plus importantes en ACS (donc une porosité totale plus faible), les sols présentent une connectivité du réseau poral plus importante et plus dense, autrement dit des pores plus petits mais mieux connectés ce qui expliqueraient une meilleure conductivité hydraulique en ACS.
Pour résumer
L’Agriculture de conservation des sols va impacter le fonctionnement hydrique d’une parcelle par différents effets :
Atténuation de l’énergie cinétique des pluies et accroissement de la stabilité des agrégats : réduction du ruissellement et de l’érosion des sols.
Rétention de plus d’eau dans le sol (connectivité réseau poral).