Une agriculture sans élevage n’est pas la solution aux enjeux climatiques et territoriaux. Cela étant, l’élevage doit relever un certain nombre de défis. Lors du congrès des Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Jean-Louis PEYRAUD, directeur scientifique à INRAE, a dressé un tableau sans concessions de ces challenges. Il a surtout démontré que les élevages étaient porteurs de solutions.
Ne pas occulter les défis
L’agriculture est responsable de 17 % de l’émission des gaz à effet de serre (GES) en France, le premier émetteur reste le transport avec 25 %. Donc si l’agriculture et l’élevage de ruminants en particulier doivent prendre leur part, les autres secteurs ne sont pas exempts. D’autant que le secteur de l’élevage dispose de la capacité à stocker du carbone dans les sols. Par ailleurs, le niveau d’émission de GES par les productions animales françaises est trois à cinq fois plus faible que dans le reste du monde. "Avec une population mondiale croissante et gourmande en produits animaux, réduire l’élevage en France augmenterait donc les émissions mondiales" résume Jean-Louis PEYRAUD.
Par ailleurs, il faut entendre les attentes sociétales et notamment la question du bien-être animal, animaux qui sont légalement aujourd’hui reconnus comme des êtres sensibles. Bien évidemment, la qualité des écosystèmes et le soin porté à la biodiversité sont fondamentaux. Comme l’exprime Jean-Louis PEYRAUD, "il faut dépasser la seule notion de productions animales et considérer l’élevage pour l’ensemble de ses services rendus".
On n’a pas la même ration, mais on a la même planète
La question de la compétition entre l’alimentation animale et l’alimentation humaine est certes un enjeu crucial mais, 86 % de la biomasse ingérée par les animaux d’élevage ne peux pas rentrer en consommation humaine. Par contre, il existe une grande variabilité d’efficacité entre les systèmes.
En bovins lait par exemple, certains systèmes produisent moins de protéines animales qu’ils ne consomment de protéines végétales assimilables par l’homme. Sur ce gradient, les systèmes herbagers sont plus vertueux, tout comme en porc les systèmes qui valorisent les coproduits convertissent les protéines sans compétition avec l’alimentation humaine. "C’est mettre en avant les aptitudes naturelles des espèces : valoriser la cellulose pour les bovins et l’efficacité alimentaire des monogastriques".
Pas une révolution mais des évolutions
En ce qui concerne les GES, la variabilité entre les élevages laisse apparaître beaucoup de marges de progrès. On sait que le méthane émis par la rumination pèse lourd. L’efficacité des UGB est donc essentielle. Abaisser l’âge au premier vêlage et réduire les taux de renouvellement, notamment en lait sont des leviers très efficaces. Mais il existe également des adaptations à trouver dans les régimes alimentaires et notamment dans le travail sur l’autonomie alimentaire et protéique. La réduction de l’import de soja "déforestant" apporte un double bénéfice en termes de GES et de biodiversité mondiale. Sa substitution, partielle, par la culture de légumineuses donne un gain non négligeable sur ces 2 aspects.
Et puis également, repenser la place de prairies et de cultures fourragères dans les systèmes de grandes cultures permet d’envisager de stocker du carbone dans le sol.
Polyculture-élevage, le mariage du siècle
La prairie y compris en rotation permet de réduire le recours aux produits phytosanitaires. Ainsi les systèmes en polyculture-élevage ont un IFT inférieur de 40 % à l’IFT des systèmes de grandes cultures spécialisés.
Le bénéfice de cette complémentarité réside aussi dans la valorisation des engrais de fermes qui permet un recyclage des éléments fertilisants ainsi qu’un retour de matières organiques. Les éléments apportés structurent le sol, réduisent le risque d’érosion et augmentent la réserve en eau des sols au bénéfice des cultures.
Mais comment tracer le chemin ?
Les atouts de l’élevage sont là et peuvent se raisonner à l’échelle d’un territoire. Mais le changement de paradigme qui permet de raisonner l’élevage comme un bouquet de services et non plus comme la seule valeur alimentaire de ses produits reste à faire. "Il est nécessaire de repenser l’agriculture en interfilières" fait valoir Jean-Louis PEYRAUD pour la reconnaissance économique de ses services : piège à carbone, réduction des phytos, rénovation de la biodiversité, valeur fertilisante des déjections… "D’autant que les adaptations correspondantes vont dans le sens de la résilience face au changement climatique" pointe Jean-Louis PEYRAUD et ainsi fermer la boucle.
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