La poursuite des pluies en ce début d’année a supprimé bien des espérances de rattrapage par des céréales de printemps. Beaucoup d’espoirs se reportent maintenant sur les implantations de cultures d’été, notamment depuis l’accalmie des pluies de ce mois d’avril.
Pour certaines parcelles, l’hiver n’a pas été propice aux interventions de désherbage des céréales et d’apports d’engrais, pénalisant ainsi le rendement dès le début de campagne.
Avec le manque de portance des sols, les épandages de matières organiques ont été retardés avec des volumes à épandre forcément plus conséquents, vu la présence des animaux plus importante en bâtiment.
Rappelons que plus les fumiers sont pailleux (C/N élevés), plus l’épandage doit se décaler du semis pour éviter une faim d’azote.
Pour les semis de printemps, il est indispensable de s’assurer que le sol soit ressuyé sur toute l’épaisseur de la couche arable pour éviter les tassements. Rappelons que les sols et notamment les sols limoneux ont de la mémoire et que l’impact du tassement se répercute sur plusieurs années. Les pertes peuvent atteindre 35 % en maïs fourrage en sol limoneux dans les pays de la Loire (source Arvalis).
Pour vérifier que le sol soit suffisamment portant et ressuyé pour être travaillé, des tests simples existent. En prenant une motte dans la main et en exerçant une pression entre les doigts (source Arvalis) :
- si elle s’émiette sans coller, le sol est au bon état d’humidité pour être travaillé ;
- si elle s’émiette en collant et forme des boulettes, il y a des risques de faire des mottes et de tasser le sol ;
- si elle est modelable et colle aux mains, il est beaucoup trop tôt pour intervenir.
Attention, l’observation de l’état de surface n’est pas suffisante : il faut s’assurer que le sol soit ressuyé sur l’épaisseur potentiellement sensible au tassement : une quarantaine de centimètres. Il est donc important de prendre le temps d’un tour de parcelles pour observer le ressuyage du sol en profondeur en utilisant une bêche par exemple avant toute intervention.
Pour les prairies, le retour de la portance devrait permettre d’engager le pâturage sur toute la région et de déclencher les fauches. Cependant, avec les températures plus froides et un vent d’Est, il ne faut pas se précipiter et veiller à garder du stock sur pied à faire pâturer. La pousse risque d’en prendre un coup avec les températures. Pour sécuriser le pâturage et une offre en herbe suffisante, il faut toujours garder un stock de 15 jours d’avance.
Les premières fauches de cette année s’annoncent conséquente en quantité avec une pousse favorable depuis l’automne dernier mais des qualités variables, souvent médiocres en dérobée RGI (car tardives) et plutôt bonnes sur les parcelles du circuit de pâturage débrayées.
Afin de faciliter le séchage et de limiter le risque de butyrique, il est conseillé de faucher à une hauteur de 7-8 cm afin de favoriser l’aération sous l’andain et de limiter la reprise d’humidité par le contact avec le sol. Dans le cas d’un fourrage humide ou riche en légumineuses, incorporer un conservateur pour aider à une stabilisation plus rapide du silo et limiter la protéolyse.
Les graminées évoluent et les épis vont rapidement sortir. Voici les préconisations du « Bulletin Pousse de l’Herbe » de ce 15 avril pour chaque type de graminée prédominante en mélange :
- RGI ou seigle : il est temps d’ensiler si la parcelle est bien ressuyée.
- Triticale : selon la précocité, l’ensilage peut s’envisager dès maintenant ou dans les 15 jours qui viennent.
- Avoine (ou RGA) : attendre encore un peu si ce ne sont pas des précédents maïs.
- Dactyle/fétuque : attendre la montée de l’épi avant de faucher (stade recommandé = épi à 10 cm)
Pour les céréales à paille, le déficit de paille risque de nous entraîner vers un marché plus que tendu sur le prix de la paille.
D’autre part, on peut aussi s’interroger sur la rentabilité économique : Pour la récolte des céréales à paille 2024, on risque de cumuler des prix "bas" (moins de 200 €/t pour le moment) à des rendements faibles : la septoriose et les rouilles pointent leur nez, favorisées par la pluviométrie et les températures douces, surtout sur les variétés sensibles. Les observations des céréales sont indispensables pour juger de l’opportunité économique des interventions.
Heureusement la météo semble plus clémente, pour permettre de rattraper le retard sur les travaux, qui vont se précipiter maintenant.
Dans un contexte de marchés peu porteurs pour les céréales et le maïs grain, pour les polyculteurs-éleveurs, il est préférable de sécuriser son système fourrager par la culture de maïs fourrage, éventuellement de prairies avec des stocks parfois mis à mal par le prolongement des animaux en bâtiment ce printemps.
Les agronomes de la Chambre d’agriculture de Région Pays de la Loire